lundi, septembre 25, 2006

Dégustation du mardi 19 septembre 2006 :

Il a les tanins ronds, le breton...

Première réunion de notre petit comité de joyeux dégustateurs, baptisé au bout de quelques minutes, et dans un bel élan collectif d'approbation : LE CERCLE VINEUX. Il y a fort à parier que sur le coup, tous n'ont pas mesuré le gouffre herméneutique que cette dénomination impliquait, et j'entends déjà les demandes de type révisionniste et annihilateur qui ne manqueront pas d'arriver : “finalement c'était pas mal “Au fil du vin” ou “La part des anges”...”
Que nenni, le Cercle Vineux vivra et tournera, tant qu'il y aura des vins curieux et des papilles curieuses !
Suite à divers et obscurs pourparlers et digressions visant à établir notre programme annuel (n'est-ce pas les putschistes ?), c'est autour d'une belle table carrée que le Cercle s'est penché sur quelques fioles de breton, pardon de Cabernet-Franc, ramenées du Grand Ouest, de Touraine quoi.














6 vins dégustés à l'aveugle par dix homo vinus patentés, débouchés (les vins) deux heures auparavant et servis à une quinzaine de degrés (de t°, pas d'inclinaison). Goûtés et commentés l'un après l'autre par tous, dans un ordre aléatoire. Je ne m'étendrai pas sur le Picpoul de Pinet servi en guise de fait-la-bouche : disons que nos organes alsaciens ne sont pas formatés pour de tels breuvages, et donc incapables d'apprécier le côté rafraîchissant et nourrissant de cette dilution sulfitique au gras suspect et à la finale sudiste (qui a dit brûlante ?).



VIN N° 1 :
Oulala quelle robe mes enfants, c'est un Rasteau pirate ? Pas filtré en plus...
Bon au nez nous sommes rassurés : derrière une première salve fruitée et lactique, d'inattendus arômes végétaux apparaissent, nous faisant remonter au-dessus de Lyon. Enfin des épices, et surtout une imposante chappe chocolatée, finissent de nous rendre perplexes...
La bouche est fidèle au nez, paradoxale et bancale. Ronde en attaque puis sèche, tanique et chaude en finale. La matière est presque grasse, épaisse, mais pas franche du collier. L'ensemble est dissocié, laissons-lui le bénéfice du temps à venir...
Il s'agit du Bourgueil du Domaine P. Gauthier, Cuvée Harmony 2003.
Note moyenne : 10,8 / 20 (noté de 10 à 12)



VIN N° 2 :
Plus clair et plus net à l'oeil, il présente une viscosité certaine.
Fermé de prime abord, un tournicotis plus tard il délivre en finesse des arômes de fruits rouges frais, puis de pain d'épices et de liqueur (crème de cassis).
En bouche c'est une impression de fondu et d'harmonie qui se dégage. De la prune fraîche selon certains (c'est la saison des quetsches...), en tout cas on retrouve les arômes de l'olfaction. Souple et élégant, la matière se tient et se tend sans dureté. Texture soyeuse et finale nette. Difficile de recracher. Presque à boire...
Saumur-Champigny 2004, Domaine du Petit St Vincent.
Note moyenne : 13,6 (noté de 11 à 15)


VIN N° 3 :
Robe et matière plus légères... c'est une fille ! Je décèle un arôme peu agréable de carton, suis-je le seul ? J'entends “pâtisserie” et j'espère que l'on ne parle pas de la même chose... Notes végétales.
Aimable et fluet en bouche, il me semble fade et finit amer. C'est une boudeuse qui fera la tête toute la soirée. Certains pensent à un 2003 qui aurait stressé tout l'été pour ses tanins, je me demande si ce n'est pas plutôt un 2004 en manque de terroir.
Chinon 2004 Bonnaventure, Château de Coulaine.
Note moyenne : 11,6 (noté de 11 à 12)


VIN N° 4 :
Opaque, épais et noiraud, c'est un costaud apparemment. Et il pue en plus ! En le secouant bien, il daigne nous délivrer quelques arômes de fruit très mûr et une certaine minéralité (pierres chaudes). Tout ça dans une gangue boisée omniprésente et aguicheuse. Quelqu'un répète sans arrêt “c'est pute, moderne, barriqué...” mais je ne citerai pas de nom ; disons qu'il était sur ma gauche et exprimait assez bien ce que beaucoup pensaient.
En bouche on nage dans l'élevage, c'est une marée de bois tendance fumé, avec certes de la matière au milieu, mais trop timide pour qu'elle donne le moindre agrément. J'ai du mal à croire qu'actuellement ce soit du terroir qui cause ainsi ; le tonnelier plutôt. A ma droite on dit “c'est construit, il y a de la longueur”, ailleurs j'entends “mais c'est pas buvable”... Bref nous sommes face à un gros bébé qui en fait des tonnes et divise l'assemblée, cependant unanime pour estimer que ça ne se boit pas facilement c'machin-là. Notre ennemi du jour.
Chinon 2004 L'Huisserie, Domaine Alliet.
Note : 8,5 (noté de 7 à 10)


VIN N° 5 :
Moment de doute général devant ce vin fort clair, au nez réduit et louche. Bien vite il n'y a plus de mystère : le TCA a encore frappé ! Certes de manière subtile, insidieuse, car ce n'est pas du bon-gros-bouchonné-direct-à-l'évier, mais il y a un parasitage, une déviation de la chose vineuse qui ne laisse aucune chance à ce vin d'être goûté adéquatement. Dommage, le fruit se devine frais, aérien, et l'équilibre “haut” (matière légère et acidité en avant, alcool et tanins en retrait). Allez “au revoir...”
Chinon 2002 Grézeaux, Domaine Baudry
Note : Défectueux


VIN N° 6 :
A l'oeil le vin est impénétrable (non filtré ?) et bien sombre. Le nez est multiple : volatile, fruit mûr, liqueur, un soupçon d'élevage. La matière en bouche est certaine, ronde, avec beaucoup de structure. Une masse tanique importante et fine n'est pour le moment pas encore intégrée à l'ensemble, et laisse le palais serré. Heureusement il y a de la mâche, de la longueur, et une note continue de cerise noire compotée qui rend le vin presque gourmand, malgré ses angles. Du potentiel.
Bourgueil 2004 Les Galichets, Domaine P. Breton
Note moyenne : 13,3 (noté de 12 à 14)



CONCLUSION :

Quelques surprises bien sûr au moment du dévoilement des étiquettes, mais c'était le principe de cette dégustation : boire des vins, pas des étiquettes. Assurément trop jeunes, ces cabernets-francs doivent être attendus ou carafés pour fondre leurs tanins et parfois leur élevage.
On notera que le petit Poucet de la soirée (vin n°2), cohérent, poli, gourmand, n'est pas un Bourgueil ni un Chinon mais un Saumur-Champigny : la différence de terroir (plus sableux, avec des vins plus souples et des tanins moins présents) explique-t-elle seule son avantage gustatif dans un tel “instantané” de dégustation ? Nul doute qu'une vinification et un élevage sur le fruit plus que sur la structure ont également leur part dans cette relative victoire. Ce que confirme a fortiori la deuxième place du Bourgueil Les Galichets, dans un style antithétique.